Gio Ponti Archi-Designer

Bonjour à toutes et à tous,

c’est une très belle exposition celle que nous allons visiter ensemble aujourd’hui.
Il s’agit en effet de « Tutto Ponti. Gio Ponti Archi-Designer» présentée au Musée des Arts Décoratifs, rue de Rivoli à Paris.

Ici, le génie italien se présente sous son meilleur jour.

Gio Ponti fait incontestablement partie des héritiers les plus légitimes des grands artistes italiens du passé qui ont fait de l’Italie le creuset de la culture européenne.

De nos jours, en cette époque d’uniformisation, de nivellement par le bas, tout est remis en question, au nom d’une prétendue « liberté », un mot qui, comme chacun sait, ne veut rien dire en soi.

Tant et si bien qu’il semble malheureusement facile aujourd’hui de répondre à la célèbre question de Paul Valéry :

« L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire un petit cap du continent asiatique, ou bien l’Europe restera-t-elle ce qu’elle paraît, c’est-à-dire la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste corps ? »

Pour sa part, Ponti a certainement contribué à faire de l’Europe « la perle de la sphère ».

S’il est surtout connu comme un maître de l’architecture du XX^e siècle, cette exposition nous parle aussi, et beaucoup, de son éclectisme.

 

Que ce soit comme dessinateur de mobilier ou créateur d’objets en porcelaine, il nous montre toujours son génie.

Un vrai génie, fondé sur une apparente simplicité et une modestie réelle.

Mais la véritable surprise pour moi a été le très beau tableau intitulé «Racconto immaginario », énième démonstration de son talent à la manière Renaissance, tous azimuts.

La légende de ce tableau indique « Exposé dans la salle à manger de la seconde classe du paquebot Conte Biancamano ».

Alors je me suis demandée : si ce chef-d’œuvre ornait la deuxième classe, comment avait-il meublé et décoré la première classe de ce prestigieux bateau de croisière ?

J’ai donc lancé une recherche sur Internet et j’ai trouvé une vidéo du transatlantique Conte Biancamano.

En première classe, on aperçoit en arrière-plan un tableau mesurant plusieurs mètres. L’auteur ? Mario Sironi, un grand peintre italien de la première moitié du XX^e siècle.

Je reste toujours coite devant la déco des grands navires des années 1950 et 1960, car on recourait à l’époque aux architectes et aux artistes les plus talentueux pour magnifier un voyage qui pouvait durer plusieurs mois.

Pour en revenir au génie de Gio Ponti, je pense que son parcours biographique et artistique a tout pour être le symbole de l’Italie de l’après-guerre.

Avec le Pirellone, cœur battant de la capitale économique italienne, notre société s’est totalement identifiée.

Sa naissance et son évolution ont été une métaphore parfaite de la « re-naissance » et de la croissance de l’Italie.

Sortie dévastée par la guerre, tant dans les choses que dans les cœurs, elle a entamé une reconstruction matérielle et humaine qui allait la transformer profondément.

En voyant les vidéos de l’exposition, on est frappé par la l’éducation, la modestie et le charme bourgeois que Ponti, et sa Milan, expriment le mieux.

Quelques années plus tard, Mai 68 désignera cette bourgeoisie comme l’ennemi public numéro un, comme le mal absolu à anéantir.

Et il y est parvenu, mais par quoi l’a-t-il remplacé ?

En attendant une réponse, je voudrais conclure sur une note personnelle. L’une des légendes indique « Provenance : Hôtel Parco dei Principi Rome ».

Quiconque exerce depuis longtemps le même métier que moi à Rome, se souviendra d’une célèbre exposition organisée au quartier Pinciano dans les années 1990, dont le siège était justement l’Hôtel Parco dei Principi où une exposition d’antiquités d’un certain niveau se tenait durant le week-end.

On y trouvait surtout des objets et des petits meubles (notamment parce que l’entrée était étroite avec des marches très raides).

En fait, je circulais avec indifférence au milieu d’éléments de décoration qui sont aujourd’hui l’objet de cette très belle exposition parisienne.

Mais il n’en était pas de même pour tout le monde.

J’aimerais rendre hommage ici à la mémoire d’un véritable maître de notre profession, Giorgio Profili

qui, au début des années 1990, à l’occasion d’une édition du Mercanteinfiera de Parme, s’était présenté avec du mobilier provenant justement de l’Hôtel Parco dei Principi de Rome.

Il s’agissait d’une magnifique double porte, dont je n’ai pas oublié le superbe contraste que créaient le rouge cardinal et les décorations en laiton doré.

Authentique Arbiter Elegantiarum, il était toujours en avance sur son temps comme en témoignaient ses merveilleuses collections, des céramiques Lenci au peintre futuriste Bragaglia.

Sa galerie était à deux pas de la Piazza Istria, mais la  photo en bas, qui date des années 1970, montre Giorgio Profili avec des collègues dans le palais Brizzolari d’Arezzo dont je parle dans la rubrique Amarcord.

Chacune à leur manière, ces excellences italiennes ont contribué à nous faire vivre dans la « la perle » du monde, et ce ne sera certainement pas de leur faute si nous deviendrons un jour un petit cap du continent asiatique.

Tutto Ponti. Gio Ponti Archi-Designer

Musée des Arts Décoratifs

107 rue de Rivoli

75001 Paris

du 19 octobre 2018 au 5 mai 2019