Qu’est Et Tibi dabo claves ?
1) La dernière attraction de Disneyland
2) La phrase qui fonde la primauté de l’Église de Rome
3) La dernière vidéo qui cartonne sur Tik Tok
La bonne réponse est la numéro 2 bien sûr.
La phrase latine Et Tibi dabo claves, (je te donnerai les clefs), est la pierre angulaire sur laquelle repose la légitimité du pape de Rome de gouverner l’Église universelle.
Mais pourquoi abordons-nous ce sujet ?
Mais parce que l’édition du Magazine d’aujourd’hui est vraiment spéciale : nous y parlerons rien moins que de la réouverture des Musées du Vatican !

Traverser ces espaces immenses et semi-déserts, remplis de chefs-d’œuvre qui sont à la base de l’humanité et de la culture du monde occidental a été une expérience unique.
Il y a une chose, très étonnante et excitante qui m’a frappée. Laquelle ? Le groupe du Laocoon, les chambres de Raphaël, la Chapelle Sixtine ?
Rien de tout cela, mais je vous le dirai bientôt.
Cela dit, à propos de la Chapelle Sixtine, c’est justement là que se trouve la merveilleuse fresque du Pérugin qui montre Jésus au moment où il remet les clés à Pierre en prononçant la phrase du titre.

Mais il n’est pas facile de lui donner toute l’importance qu’il se devrait.
Se trouver à quelques mètres de l’icône absolue de l’art occidental, c’est-à-dire de ces deux doigts qui transmettent l’énergie vitale, n’aide pas vraiment.
En effet, déjà sous l’effet du syndrome de Stendhal en raison des personnages vertigineux de Michel-Ange, le regard du spectateur a du mal à se poser avec un peu de discernement sur les fresques peintes sur les murs voisins.

Jugement Dernier
Quoi qu’il en soit, il faut dire que Le Pérugin est en excellente compagnie. Le regard s’arrête rapidement également sur ses confrères d’Ombrie initialement appelés par le Pape Sixte IV.
Parmi eux, citons de grands artistes tels que Pinturicchio et (ombrien d’adoption), ainsi que les Florentins qui les ont suivis, tels que Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio, Biagio d’Antonio et Cosimo Rosselli.
Et tibi dabo claves regni cælorum – Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux.

Musées du Vatican Le Perugin
Qui sait ce que Pierre a ressenti.
Les clefs du royaume des cieux, remises à lui justement, pauvre pêcheur ignorant, et surtout, celui qui le reniera trois fois et qui, terrifié, l’abandonnera comme tous les autres apôtres, à l’exception de Jean.
Avec Pierre, l’Église sera confiée aussi à Saul qui avant sa conversion, avant de devenir Saint Paul ou l’apôtre des Gentils, passait son temps à persécuter allègrement les disciples de Jésus.
Apparemment, Jésus ne regarde jamais le mal qui a été commis dans le passé, seul le bien qui sera fait à l’avenir lui importe.

De nos jours, la primauté de l’Église de Rome semble un non-sens, quelque chose de dépassé, mais il n’en est rien.
Pour contester la primauté de l’Église de Rome, nous avons voulu considérer la tradition et les textes des Actes des apôtres comme une légende, pour ne pas dire comme une histoire. Heureusement, le travail remarquable de l’archéologue et épigraphiste Margherita Guarducci a mis fin à tout cela.
Ses recherches ont prouvé de manière incontestable la présence de la tombe et des ossements de Saint Pierre au Vatican.

Musées du Vatican
Assez récemment, la légitimité historique d’une autre question qui était considérée comme une histoire, une légende, a été prouvée grâce au travail d’Andrea Carandini, à savoir le rite sacré de la fondation de Rome sur le Palatin.
Il faut rester prudent avec les mythes, les légendes et les traditions. Il faut leur donner l’importance qu’ils méritent.
Ils peuvent être refusés, effacés, on peut les chasser par la porte mais ils reviendront toujours par la fenêtre.
Il faut en tenir compte car ils font partie de notre ADN, ce sont nos racines sans lesquelles même les arbres les plus imposants, les plus majestueux, se dessèchent et tombent.
On croit à notre époque qu’une civilisation ne peut reposer que sur la science, la technologie et l’argent.
Nous pouvons tous en constater les conséquences négatives.
Bien, fin de la petite leçon de théologie-catéchisme-histoire-apocalypse.

La Galerie des Candélabres
Pour en revenir à ma visite, je peux seulement vous dire que n’étant plus allée aux Musées du Vatican depuis des années, elle m’a procuré une incroyable émotion.
Je passe souvent Via Leone IV, mais j’avoue que la queue interminable qui arrive parfois jusqu’à la Piazza Risorgimento, et même plus loin, m’a toujours découragée.
Sur le plan artistique, disons, je ne saurais pas de quoi parler exactement. En effet, que dire de plus que ce qui a déjà été dit et redit sur les innombrables merveilles conservées dans ces musées ? Vraiment rien.

Salle du Bige
Alors, je vais vous raconter ce qui m’a profondément émue.
J’ai été émue en voyant un père, avec un fort accent romain, expliquer à son jeune fils les techniques et les secrets de l’orfèvrerie ancienne en lui décrivant certains des bijoux exposés au Musée du Trésor de Saint Pierre.
Ce père était un orfèvre e et après avoir échangé quelques mots, nous nous sommes rendu compte que nous partagions les mêmes impressions.
Pouvoir entrer tranquillement, en toute sérénité dans la basilique Saint Pierre a été une émotion indescriptible.
Apparemment, nous n’étions pas les seuls, puisque durant cette visite j’ai rencontré quatre confrères, antiquaires et artisans.
S’il y avait encore eu ces queues interminables, et enfant romain ne serait entré dans la basilique Saint Pierre.
Peut-être que lorsque vous lirez ces lignes, le paysage sera redevenu celui qu’il a toujours été, c’est-à-dire des queues interminables de t-shirts, de sueurs, de shorts et de peaux rougies par les coups de soleil, de tranches de pseudo-pizza et de tongs.
Nombreux sont ceux qui les attendent comme une manne tombée du ciel, comme une solution à tant de chômage et de souffrances économiques, et ils ont probablement raison.
Mais je voudrais conclure avec une dernière question : comment Rome et l’Italie plus belle que jamais, celle des années 1950 et 1960, ont-elles connu le boom économique sans ces invasions plus ou moins barbares ?

Dôme de Saint-Pierre